(c) Nyyx | Never Utopia

New-York grouillait de mundanes à toute heure du jour ou de la nuit, et, en plein après-midi, cela en devenait presque invivable. Et pour couronner le tout, le soleil avait décidé d'étendre ses rayons sur ce monde, l'accablant d'une chaleur estivale épuisante et étouffante. Le bitume relâchait une odeur ignoble, l'air empestait la sueur et les gens se déplaçaient n'importe comment, comme des milliers de fourmis perturbées par des signaux contraires. Au milieu de tout ce chaos, Nyx zigzaguait du mieux qu'elle pouvait, évitant au maximum d'entrer en contact avec ces êtres qui s'appelaient couramment "Humains". Créature de l'eau, elle souffrait plus que quiconque des attaques de cet astre terrible et, la bouche pâteuse, elle décida de s'arrêter à l'écart, sur les marches d'une maison, pour boire une gorgée salvatrice. Elle ouvrit son petit sac en forme de poisson rouge et en sortit une bouteille en plastique. S'empressant de la déboucher, elle la porta ensuite à ses lèvres. Deux minuscules gouttes roulèrent jusqu'à ses lèvres. Et puis plus rien. Ses réserves étaient déjà à sec. Dépitée, elle jeta sa bouteille dans la première poubelle venue. La Fable regarda alors la masse grouillante qui ne désemplissait pas et elle se demanda si elle n'allait pas mourir de soif avant de pouvoir rejoindre les Woodlands... Et soudain, ses yeux se posèrent sur une enseigne de l'autre côté de la rue. Le Neuf de Pique. Si elle ne se trompait pas, il s'agissait d'un "bar pour adultes" tenu par d'autres Fables. Sauvée !

Réunissant ses dernières forces, elle se jeta au travers de la foule, bravant le flot continu de tout ces moutons regardant à peine devant eux. Et au prix de quelques bousculades et pieds écrasés (pas les siens), elle finit par atteindre la porte. Sans attendre, elle la poussa et se glissa à l'intérieur.

Un soupir de soulagement lui échappa alors que la fraîcheur du lieu climatisé venait lui caresser le visage. Elle regarda autour d'elle. Il n'y avait que peu de clients, et ils étaient tous des hommes. Un groupe à la mine patibulaire lui lança un regard surpris : cela ne devait pas être tous les jours qu'une fille d'environ quatorze ans entrait ici, même si son âge se comptait d'avantage en siècles. Se traînant jusqu'au bar, la demoiselle prit place sur un de ces hauts tabourets, non sans une certaine difficulté. Elle était assez affaiblie du fait de son manque d'eau, mais elle allait vite pouvoir résoudre ce souci. Enfin, "vite", peut-être pas tout à fait, car elle ne voyait aucune personne de l'autre côté du comptoir.

« Monsieur le Barman ?» appela-t-elle assez fortement.

Elle s'attira d'autre regards inquisiteurs, légèrement plus insistants. Un peu gênée, elle resta bien droite sur son tabouret, tournant le dos aux mundanes. Mais qu'est-ce qu'il fichait ce barman ?! Si les autres clients étaient servis, c'est qu'il ne devait pas être loin. Aux toilettes peut-être ? C'était bien le moment, il y en a qui mourraient de soif ici. Ses longs doigts fins tapotèrent impatiemment le comptoir, mais elle n'osait plus regarder autour d'elle. Avec des Fables, elle se montrait toujours exubérante, voire même un peu ennuyante. Mais au milieu de mundanes, c'était un peu plus difficile de se laisser aller. Lorsqu'elle avait signé l'Armistice, on lui avait clairement dit qu'il ne fallait qu'aucun des habitants de ce monde n'ait l'ombre d'un doute au sujet de leur nature magique, de ce fait il fallait sans cesse se surveiller quand on évoluait à leurs côtés. Et c'était énervant. Mais indispensable. Nyx avait pris le temps de lire le passé de ce monde, et elle avait été horrifiée d'apprendre ce que ces gens -enfin, leurs ancêtres- avaient fait à des femmes accusées de sorcellerie. S'ils arrivaient à être aussi horrible envers leur propre peuple, que pourraient-ils faire à une véritable sorcière venue d'un autre monde ? Rien que d'y penser, un frisson lui parcourut l'échine.

Bon, cela commençait à faire long. La Dame des Eaux se laissa glisser au bas de son perchoir et elle fit le tour du comptoir. Elle remarqua une trappe ouverte, sans doute celle menant aux réserves d'alcool. Grommelant dans la barbe qu'elle n'avait pas, elle alla directement jusqu'à l'ouverture et jeta un oeil à l'intérieur. Cela semblait éclairé, peut-être que le barman était là bas ? Elle descendit le long de l'échelle et, une fois en bas, déambula au milieu des cageots de bouteilles de verres, des fûts de bière, cherchant du regard un autre être vivant.

Cela faisait déjà environ un mois que Kumiho et Jin étaient parti, laissant à Neil le soin de gérer le Neuf de Pique. La clientèle était exigeante, et parfois peu aimable, et l’établissement manquait cruellement de personnel, mais il en fallait plus pour déstabiliser le patron. Il avait retenu en un mois tous les habitués et leurs habitudes, ainsi quasiment aucune tête ne lui était dorénavant inconnue au Neuf de Pique.

Ce jour-là, Neil était allez chercher dans la réserve une bouteille de bordeaux millésimé pour un de ces fameux clients assez exigeants, quand il entendit des pas dans son dos. Il se retourna et ne vit rien, mit à part un imposant fût de bière dans lequel vieillissait tranquillement la bière brassée par son oncle et reçu trois semaines au part avant. Le soleil tapait dehors et le brownie avait dût augmenter la climatisation pour éviter la mort par inanition des occupants du bar, ainsi il retourna à ses activités croyant que la chaleur lui jouait des tours.

Soudain ne tenant plus, il quitta l’inconfort de son glamour pour reprendre sa taille normale, soit environ 35 cm de haut, et s’affalât contre l’étagère à vin, et là un détaille lui sauta aux yeux ! l’image d’une jeune adolescente se reflétai dans une flaque d’eau formé par l’humidité naturelle de la réserve ! Neil sourit discrètement et demanda, amusé et surprit :

- « A qui est je l’honneur ? une petite soif peut-être ? »

Les relents de l'alcool lui faisaient froncer les narines. Elle avait déjà bu, oui, comme beaucoup d'autres Fables. Mais à chaque fois, c'était comme si son nez redécouvrait ces senteurs âpres ou amères. L'alcool mundane était on ne peut plus dérangeant pour ses sens raffinés - autrefois, elle n'aimait siroter les cocktails légers que seules les nymphes des vignes savaient faire - mais elle pouvait s'y habituer au bout de quelques verres. En revanche, elle savait différencier les recettes mundanes des recettes des Fables. Et ce tonneau était le fruit d'une personne issue des petits peuples, elle en aurait mis sa main à couper ! Elle huma doucement le fumet du houblon fermenté, un petit sourire se dessinant sur ses lèvres. Si elle n'avait pas été en manque d'eau, elle se serait sans doute laisser tenter. Mais pour le moment, sa gorge était un désert enflammé que seul le plus naturel des breuvages pourrait apaiser. Le barman restait cependant introuvable.

Nyx passa sa langue sur ses lèvres brûlantes, tentant en vain de les humecter. La situation risquait de devenir critique rapidement. Penchant la tête, elle remarqua alors une petite flaque d'humidité sur le sol. Ni une, ni deux, elle fondit à l'intérieur même de cette minuscule source. C'était vraiment étroit, mais elle avait tout de même assez de place au sein de cet univers aquatique pour attendre la venue du propriétaire des lieux. Au moins, elle récupérait un peu de ces forces pendant ce temps. Les minutes s'écoulèrent lentement avant qu'un autre être vivant ne se manifeste. Levant les yeux depuis l'intérieur de la flaque d'eau, elle remarqua une sorte de lutin poilu perché sur une étagère. Il semblait l'avoir vu également puisqu'il lui adressa la parole. Aussitôt, la demoiselle émergea de sa baignoire improvisée, trempée jusqu'aux pieds mais la gorge toujours aussi aride. Cependant, le dessèchement de sa bouche et son manque d'hydratation étaient devenus le cadet de ces soucis : elle s'avança d'un bond jusqu'au petit bonhomme et, sans lui demander la permission, le souleva à bout de bras, des étoiles dans les yeux.

«T'es trop mignoooooooon !» lança-t-elle comme la grande enfant qu'elle était physiquement.

Il y avait neuf chances sur dix que le lutin, ou quoiqu'il était, s'énerve. Généralement, ceux des petits peuples détestaient ce genre de comportement. Nyx le savait, sans doute, mais sur le coup, son cerveau avait bloqué sévèrement. Ce n'était pas la première fois qu'elle rencontrait si petit être, mais c'était le côté "poils" qui l'avait surprise et lui avait fait perdre les pédales l'espace d'un instant. Son cerveau finit cependant par reprendre le dessus et, rougissant brusquement, elle reposa aussitôt le petit être sur l'étagère en bredouillant des excuses.

«Euh... Hmm... Je- Ah... Je cherchais le barman et- hmm...»

Décidément ce n’était pas son jour ! En plus de la chaleur et des conditions de travails effroyables, voilà qu’une gamine s’introduisait dans sa cave se permettant au passage de le saisir comme s’il s’agissait d’un vulgaire ours en peluche ! Neil en avait assez, mais tachât de garder son calme pour deux raisons : c’était une fable et idiote, ou imprudente, de surcroit pour pénétrer dans la réserve sans savoir qui était en bas.

Si c’était un mudane qui c’était trouvé à sa place et l’avait vue jaillir de la flaque ! son insouciance le sidérait mais il faut reconnaitre la « jeune » (Neil avait appris avec Kumiho Fox à se méfier des apparences) fable l’intriguait et le charmait par sa simplicité, aussi une fois quelle le reposa tout en s’excusant tant bien que mal, il reprit sa forme de mudane, lui indiquant de ne pas bouger puis remontât dans la grande salle pour servir son client.  Il prévint ensuite son équipe qu’il devait recevoir quelqu’un dans son bureau et redescendit à la cave.

Une fois à la cave, il tendit un verre ainsi qu’une carafe d’eau à la demoiselle assoiffé, et lui demanda de le suivre en ces terme :

« -Je ne sais pas qui vous êtes, mademoiselle ? madame ? mais auriez-vous l’obligeance d’au moins me suivre dans mon bureau que nous puissions vous sécher et faire plus amples connaissances ? »

Sur ceux, il montât les escaliers en direction de la grande salle veillant à ce que la jeune fable ne s’échappât pas.

La routine n’était vraiment pas faite pour lui, on dirait…

Le jeune fille ouvrit de grands yeux en le regardant se transformer en mundane. Ce n'était pas la première fois qu'elle voyait un glamour en action, loin de là, mais elle était surprise de voir le soyeux pelage du Fable disparaître sous des vêtements voire même disparaître carrément. D'un autre côté, s'il conservait son côté poilu, il n'aurait jamais pu s'intégrer au sein des habitants de ce monde. Un fait à propos des mundanes était qu'ils n'aimaient guère tout ce qui sortait trop de l'ordinaire, et combien de fois avait-elle entendu des murmures ou des moqueries à son sujet par rapport à ses tenues extravagantes. Et si ces méchants communs pouvaient se comporter ainsi par rapport à une robe, alors ils ne devaient pas être mieux pour ce qui était des détails physiques. Elle obéit sagement lorsqu'il lui demanda de ne pas bouger, ou presque. Une petite coupe traînait négligemment sur l'étagère, là où le lutin se tenait quelques secondes plus tôt. Dès que le Fable eut quitté la réserve, la sorcière s'empara du récipient, le plongea dans la bière artisanale des petits peuples et goûta prestement le divin breuvage. Elle n'eut aucun flash de son monde d'autrefois, mais son cœur se réchauffa étrangement, comme s'il était entré en contact avec un vieux souvenir sympathique. Le plafond grinça, le barman était sur le point de redescendre. Ne voulant pas se faire gronder, Nyx avala d'un coup le restant de sa bière et reposa la coupe là où elle l'avait trouvé. Puis, à grand pas, elle rejoignit le Fable au bas de l'échelle, s'éloignant ainsi de la "petite scène de crime".

Elle remarqua aussitôt qu'il avait apporté et un verre et une carafe d'eau. Elle se saisit aussitôt du premier, avalant son contenu bruyamment et d'un seul trait. Ce n'était guère poli, mais qui s'en souciait ? Après quoi, elle suivit le monsieur, un peu moins assoiffée mais toujours aussi guillerette. En se dirigeant vers les bureaux, ils passèrent non loin du groupe d'hommes qui l'avait regardé de travers quand elle était rentrée la première fois. D'avantage sur d'elle, elle leur tira la langue, tout en faisant attention à ce que monsieur le Barman ne le remarqua pas. Ils grimpèrent des escaliers et arrivèrent enfin dans un bureau. Aussitôt, la demoiselle s'affala dans la chaise tournante qui, normalement, était celle du gérant des lieux, et se laissa tourner en lâchant un petit "Yiiiiiiiiiih" tout enfantin. Puis elle s'arrête, posa ses coudes sur la table, appuya sa tête sur ses mains et planta son regard joyeux dans celui de son hôte.

«Je m'appelle Nyx, monsieur le Barman. Mais vous pouvez m'appeler ma Lady ou Maîtresse, comme vous préférez !» s'exclama-t-elle en riant. «Et vous, monsieur le lutin, vous vous appelez comment ?»

La jeune fable s’était précipité sur le verre d’eau quelle avait vidé d’un trait, à la manière d’un ivrogne buvant un mauvais whisky après plusieurs jours d’abstinence, puis le suivi jusqu’au bureau. Le bureau, qui avait été celui de Mme Fox puis le sien, était meublé de manière sommaire : un bureau en acajou massif avec un fauteuil de chaque côté de celui-ci, ainsi qu’une grande armoire verrouillée à clé derrière lui. Les murs du bureau étaient d’un rouge chatoyant et était hérité de l’ancienne patronne. Une fois dans son bureau, son invitée s’affalât dans le fauteuil du patron (SON fauteuil) sans y être autorisé, et se présenta d’une manière peu commune :

« Je m'appelle Nyx, monsieur le Barman. Mais vous pouvez m'appeler ma Lady ou Maîtresse, comme vous préférez ! Et vous, monsieur le lutin, vous vous appelez comment ?»  

La jeune femme qui se tenait de devants lui avait du caractère et se moquait manifestement de lui, faisant peu frais des bonnes manières. Le brownie ne pouvait en tolérer plus, et allait s’empresser de lui expliquer la situation avant de devoir être moins aimable, et dieu sait qu’il détestait çà ! Il prit son sourire le plus narquois et se présenta, esquissant une révérence :

« vous pouvez pour ma part m'appeler Neil, Neil Brown. Et je m’en tiendrais à Nyx si vous le permettez. »

Puis il s’attela à lui faire comprendre son manque de délicatesse et ses éventuelles conséquences au vu des activités de son établissement :

« Vous êtes une très belle femme, malgré votre corps un peu juvénile pour moi peut-être, Neil affichait une expression moqueuse sur cette pique, alors pourquoi venir dans ce bar réputer pour être un établissement fournissant hébergeant des femmes fournissant des services un peu spéciaux, en échange de discrétion et d’argent ? »

Neil ne croyait pas, ou peu, au hasard et persuadé que la fable connaissait la réputation de maison de passe du neuf de pique, continua.  

« De plus vous vous permettez certaines libertés qui vous aurait déjà valu la porte, si vous n’aviez pas été spéciale. Je vous prierai donc pour éviter tous malencontreux incident, de passer de l’autre côté du bureau et de m’en dire un peu plus sur vous et votre arrivé à New York. Prenez votre temps… »  

Dans son for intérieur, la sorcière réfléchissait à toute allure. Elle analysait les moindres tics faciaux de son interlocuteur, s'attardait sur chaque détail pour essayer de deviner au maximum ses pensées. Il était agacé par sa présence, ou quelque chose d'approchant. En même temps, avec son apparence, elle risquait d'attirer les regards de la police mundane, et pour un établissement tenu par des Fables, c'était quelque chose à éviter à tout prix.
Son sourire enfantin quitta ses lèvres, son regard se durcit et ses traits parurent brusquement plus âgés. Elle se redressa tout en continuant à écouter ce que ce Neil Brown lui racontait. Elle n'ignoraient en rien les activités de cet établissement, elle l'avait même parfois fréquenté du temps de la précédente propriétaire, mais pour le coup, elle avait pris le soin de préparer ses visites à l'avance en ingérant une potion de changement de sexe et en se laissant vieillir suffisamment. Mais elle n'avait pas envie d'expliquer tout cela, ni même d'essayer de se défendre des piques que son interlocuteur envoyait, pour la simple et bonne raison que cela ne l'affectait pas, ou plutôt, cela lui coupait juste l'envie de se montrer joviale. Surtout qu'il venait de menacer de la jeter dehors. Accueillant.

Sans rien dire, la demoiselle quitta le siège confortable, fit le tour du bureau et prit place sur un fauteuil plus modeste. Puis, doucement, elle se servit un nouveau verre d'eau et le but, de manière plus retenue. Ce Fable ne savait pas qui elle était, et il lui suffirait simplement d'une formule magique pour transformer l'eau en acide et lui jeter à la figure. Mais Nyx n'était pas en droit d'agir ainsi. Elle avait réussi à gagner sa place au treizième étage des Woodlands, et il n'était pas question qu'elle la perdre aussi facilement. Et ce même si ce lutin prétentieux se permettait de rire d'elle. Elle reporta son attention sur lui, lui adressant un faux-sourire.

«Votre bureau, vos règles. Mais menacez moi encore une fois, rien qu'une, et je rendrai votre vie la plus ennuyante possible.»

Elle ouvrit son sac en forme de poisson, prit un paquet de clopes tout défoncé, en sortit une et la porta à ses lèvres. C'était une cigarette toute fine et plus longue que la normale, semblable à un bâtonnet de sucette. Le goût en était moins fort, mais il suffisait à la jeune fille pour calmer ses nerfs.

«Et je ne vous parlerai en aucun cas de mon passé. Il est très bien là où il est, nul besoin de le raviver. Parlons du présent, vous êtes le successeur de la petite Kumiho ?»

Ses yeux cherchèrent un cendrier sur le bureau, mais elle ne trouva rien de semblable. Sans doute ne fumait-il pas, mais quid des invités ? Enfin, "invitée", elle avait été d'avantage forcée de le suivre, ce n'était pas comme s'il lui avait laissé le choix.

«Interdiction de fumer ici ou... ?»

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La fable ne cessait de le surprendre ! A peine Neil eu fini de parler que celle-ci changea de siège pour s’installer dans le siège des invités puis, oubliant son sens de l’humour, s’adressa à lui de manière bien peu aimable.

« Votre bureau, vos règles. Mais menacez-moi encore une fois, rien qu'une, et je rendrai votre vie la plus ennuyante possible. »

Apparemment le brownie avait touché la fable dans sa fierté, ce qui eut pour effet de faire ressortir son côté plus mature, celle-ci fouillant déjà dans son sac en forme de poisson pour en sortir un paquet de clope dans un triste état espérant surement se calmer les nerfs en n’en grillant une.

La femme lui révélât ensuite quelle connaissait Mme Fox, elle était donc surement plus âgée que sa morphologie le laissait paraitre, et lui demanda s’il était son successeur. Neil comprenant que la conversation partait du mauvais pied, et que Nyx n’était pas le genre de personne à compter parmi ses ennemis, il entreprit de détendre l’atmosphère. Il sortit donc de l’armoire et posât sur le bureau la bouteille d’Hokkaido offert par kumiho, et qu’il réservait aux grandes occasions, ainsi que deux verres à whisky et un cendrier qu’il sorti d’un tiroir du bureau suite à la demande de la visiteuse. Puis il reprit son apparence de Brownie, révélant une barbe hirsute résultat d’un mois à la négliger à cause du manque de temps, montât agilement sur le bureau malgré sa taille et s’attelât à remplir les verres du délicieux liquide malté. Enfin il sortit sa pipe, la bourra et s’adressa à son extravagante invitée :

« Je suis désolé pour la rudesse dont j’ai fait preuve, mais il faut comprendre qu’un établissement pareil est dur à gérer et que les opportuns mal renseigné sur les méthodes de la maison ne sont malheureusement pas rare. De plus je manque de personnel qualifié depuis que la patronne et Jin m'on laissé gérer le navire seule! »

Par là le gérant du neuf de Pique voulait dire que les petites frappes des mafias locales n’étaient pas rares à venir réclamer leur part du gâteau. En vain, car Kumiho Fox avait le bras long et s’était arranger pour mettre le Neuf de Pique sous la protection de certains « amis », et que personne un temps soit peu sensé ne voulait travailler au neuf de pique, ce qui le forçait à ce surmener et le rendait nerveux, TROP nerveux.

Neil chercha ces allumettes, puis demanda à Nyx :

« Auriez-vous du feu, Milady ? »

Sans rien dire, Nyx regarda son hôte s'affairer. Il sortir ce qui semblait être une bouteille d'alcool ainsi que deux verres, à whisky apparemment, puis il reprit sa forme de Fable toute mignonne trognonne. Elle dût se faire violence de ne pas le prendre à nouveau dans ses bras, mais était-ce sa faute ? Il ressemblait à une adorable peluche malgré sa barbe mal entretenue et la pipe qu'il tenait à présent dans sa main. La demoiselle n'eut pas le temps de refuser le verre qu'il était déjà servi. Tant pis. Elle ne supportait pas vraiment l'alcool, il se diluait plutôt mal dans son organisme, mais ce n'était pas un verre qui allait lui faire du mal, pas vrai ? Si elle se limitait à un, cela pourrait aller. Au-delà, elle ne répondrait plus de rien.

La sorcière prit un paquet d'allumettes et enflamma le bout de sa cigarette, puis elle en offrit une à son interlocuteur quand celui-ci lui demanda du feu. Mais elle tiqua sur le "Milady". Il n'avait pas à se montrer si mielleux, même si elle l'avait un peu remis à sa place quelques minutes plus tôt. Fronçant les sourcils, elle lui répondit.

«Je plaisantais vous savez, vous pouvez m'appeler Nyx. Et ne perdez pas votre assurance, elle fait votre charme.»

Un petit clin d'oeil vint ponctuer la fin de sa phrase. Si c'était du flirt ? Non, certainement pas. Nyx faisait partie des Fables pour lesquels ce genre de sentiment était presque totalement inexistant, et c'est sans doute pour cela qu'elle choisissait d'arborer en permanence cette apparence enfantine. Ses yeux observèrent le véritable visage de Neil, scrutant ses cernes, ses rides de fatigue, son teint un peu pâlot. Il semblait en faire beaucoup pour ce bar spécial, et vu le discours qu'il avait tenu à propos des mafias, il devait sans doute s'en inquiéter plus que de raison. C'était louable bien que normal. Dans ce monde qui n'était pas le leur, les Fables avaient des difficultés à conserver leur bonne fortune et quand ils avaient le bonheur de tenir leur propre boutique, ils s'y accrochaient comme un naufragé à une planche.


«J'ai vu des endroits moins bien tenus que celui-ci. Vous en faites beaucoup, mais votre fougue finira par payer. »

Neil but une gorgée de whisky et alluma sa pipe avec l’allumette que lui avait offert Nyx. Puis il prit une bouffé et poussa un soupir de satisfaction, recrachant un nuage de fumé. Cela faisait longtemps qu’il ne c’était pas détendu ainsi, un whisky, une pipe au bec ; Des plaisirs simples mais qui lui avaient cruellement manqués, surchargé par le travail comme il l'était.

En fin de compte, la compagnie de la mystérieuse fable n’était pas pour lui déplaire ! Elle avait une bonne humeur et une malice contagieuse, aussi qu’en elle taquina encore Neil, celui-ci se prit au jeu et la taquina à son tour :

« Coupons la poire en deux ! permettez-moi de vous appeler lady Nyx, cela vous ira à ravir je pense. »

Il lui adressa une courte révérence puis sauta du bureau pour aller se poser sur le dossier du fauteuil visiteur, juste au-dessus du visage de son adorable invitée. Adorable physiquement du moins, car celui-ci ne savait pas encore vraiment sur quel pied danser avec l’extravagante fable. Ainsi il s’attela à faire avancer la discussion avec une question qui lui paraissait essentielle, affichant un petit sourire que Nyx ne verrait pas de toute façon car placé sous lui:

« Qu’est-ce qui vous amène au Neuf de Pique par cette belle journée, Lady Nyx ? Souhaitiez-vous juste venir boire des cocktails, ou venez-vous pour nos services, disons… moins ordinaires ? »

Neil faisait bien entendu référence aux services plutôt adressés à la gente masculine, mais qui sait ? Après tout elle ne serait pas la première, ni la dernière, à passer la porte de cet établissement à la recherche de plaisirs charnels éphémère que seul la secrète arrière-boutique pouvait offrir pour une cliente comme elle.

Le whisky, frais et puissant, lui brûla l’œsophage ainsi que le début de son estomac, et lui fit faire une vilaine grimace. Bon sang qu'il était costaud ! La demoiselle reposa vite fait son verre, sa tête lui tournant déjà un peu. Les cocktails des nymphes d'autrefois n'enivraient pas aussi rapidement, mais l'alcool mundane semblait être fait pour cela uniquement. Enfin, malgré cela, le goût de ce breuvage était fort plaisant et elle en tira la conclusion qu'il s'agissait d'une bouteille tirée du placard du patron. Même les meilleurs clients ne devaient pas forcément y avoir droit. Quelle chanceuse ! Elle s'en serait réjouie d'ordinaire, elle aimait beaucoup que les gens la respectaient ou lui faisaient des louanges, mais pas aujourd'hui. Si le lutin avait sorti cette bouteille, ce n'était pas pour elle mais surtout pour lui. Il semblait un peu plus détendu à présent qu'il avait avalé une gorgée, et ce n'était pas plus mal ainsi. Elle le regarda lui faire une révérence et elle éclata d'un petit rire cristallin.

«Je n'ai rien d'une lady, mais soit, sieur Brown.»

Un frisson parcourut son échine alors que le petit Fable prenait place derrière elle. Sa main se raidit sur son verre et elle tira nerveusement sur sa cigarette. Elle n'aimait pas ne pas voir son interlocuteur. Si elle craignait une traîtrise ? Oui, assurément. La sorcière avait encore pas mal d'ennemi dans les environs car peu croyaient à sa reconversion. Mais elle se faisait trop de souci pour rien, n'est-ce pas ? Il y avait de la bonté chez cet homme, une bonté qui transparaissait sur son visage, il était impossible qu'il cherche à lui nuire. Inspirant profondément, Nyx chassa ses pensées anxieuses au loin afin de se concentrer sur les mots de son hôte.

«Pour être honnête, je n'avais pas l'intention de passer. Mais avec la chaleur extérieure, je n'aurai pas pu tenir jusqu'au Trip Trap. Pour les services... Je pourrais revenir une fois prochaine.»

Elle tourna brusquement la tête vers le propriétaire des lieux, ses traits avaient recouvré leur bonne humeur ordinaire, sans garder nulle trace de sa réflexion. Elle regarda le petit Fable dans les yeux avec un air taquin.

«Mais question, est-ce que le patron participe à ces services ?»

« Mais question, est-ce que le patron participe à ces services ?»

Ouah ! Nyx n’avait pas froid aux yeux et venait sans moindre effort de finesse de demander à Neil si celui-ci accepterait de jouer les gigolos pour elle ou autre cliente ! Le brownie rougit, ne sachant pas s’il fallait être gêné ou flatté par cette demande, puis retrouva toute sa contenance pour répondre à la énième taquinerie de la fable.

« - Je crains d’être malheureusement trop inexpérimenté et pas dans les meilleures conditions physiques pour vous satisfaire totalement, c’est pourquoi je laisse généralement les filles s’en occuper et me contente de gérer le reste »

La fable n’était cependant pas totalement dupe et avait remarqué la légère crispation de son invitée lorsque celui-ci avait quitté son champ de vision. Il avait également remarqué la grimace de la demoiselle quand celle-ci avait bu un peu du whisky qu’il lui avait servi, de toute évidence la fable n’appréciait gère les alcools forts. Aussi sauta-t-il à nouveau sur son bureau pour débarrasser lady Nyx de son verre remplaçant celui-ci par de l’eau glacée. Cependant il sous-estima le poids de la carafe vis à vis de son petit corps et tomba à la renverse sur les genoux de sa visiteuse, les mouillant elle et lui au passage. Sans se relevé, Neil se mit à rire franchement et blagua :

« - Il semblerai que je me suis surestimer, remarqué cela nous aura au moins rafraîchit par la chaleur qu’il fait ici ! »

Toujours allongé sur les genoux de Nyx, il contempla son visage d’ange et ne put s’empêcher de lâcher un « wow ! » d’admiration.