Les Royaumes. Terres de naissance de tout les Fables, elles ont toujours paru merveilleuses, vastes et réconfortantes aux yeux de leurs habitants. Fées et gobelins y côtoyaient les humains et chaque histoire se déroulait dans son coin... Jusqu'à l'apparition d'un horrible Adversaire.

D'un claquement de doigt, il annexait les Royaumes et les Empires, pillait les villages et asservissait leur population. Nul refuge pour les Fables, l'Adversaire était partout.

Se propagea alors la rumeur d'un passeur... À la réputation peut-être plus terrible encore que l'Empereur ennemi du peuple libre. Le Grand Méchant Loup, en chassant une troupe qui avait osé le priver d'un bon repas, aurait déniché un portail magique qui menait droit à un sanctuaire. Un sanctuaire peuplé de créatures inoffensives. Bien sûr, il comprit le pouvoir qu'il détenait à connaître un tel passage et entendit bien s'en servir pour tourmenter l'Ennemi... Et rassembler ses proies.

Sans doute fallait-il être fou, ou absolument désespéré pour vouer sa confiance à un tel monstre sanguinaire.

Voyageurs et vagabonds n'eurent aucun mal à trouver la piste sanglante de l'impitoyable loup : celle-ci se ponctuait de traces sanglantes et d'empreintes phénoménales. Le Loup semblait sortir d'un autre repas fastueux. Toutefois, naïf serait celui de croire qu'un tel festin pouvait assouvir la faim de la bête... Son grand appétit ne se tarissait jamais et tous savaient qu'il n'écoutait que son ventre.

Là, aux abords de la caverne dans laquelle il s'était réfugié pour digérer, une voix s'éleva, d'abord grondante pour devenir tonnante !

- Qui ose troubler mon repos ? Je vous vois, je vous entends, je vous sens parmi les arbres. Parlez, avant que je ne me décide à vous manger !

Le souffle dégagé par son discours remua les arbres alentour et l'immense bête, noire comme la nuit, s'extirpa de son antre. D'un coup de langue massif, il nettoya son museau barbouillé de sang.

L’œil doré de Bigby vous toisait désormais. Vous ne pouviez plus faire marche arrière. Que ce soit par hasard, ou en suivant ses traces... Vous aviez trouvé le Loup de Légende, le Passeur du Sanctuaire.

Allait-il accepter de vous épargner et vous mener au Sanctuaire ?

Les feuilles mortes craquaient sous les pas de la Belle. Habituellement ce bruit rassurait la jeune femme. Mais aujourd'hui il résonnait en elle lugubrement, lui donnant l'impression de marcher sur des os. Le sang maculait le sol, la guidant mieux que ne l'auraient fait les petits cailloux du Petit Poucet. Enveloppée dans une cape pour se protéger du froid, la Belle ne pouvait s'empêcher de trembler.

Le grondement la figea net. Son souffle se suspendit. Beauty devint statue, observant le loup gigantesque. Le Grand Méchant Loup portait fort bien son nom.

La jeune femme abaissa son capuchon, laissant sa chevelure dorée se dérouler sur sa poitrine. Dignement, tentant de refouler sa peur, la Belle s'inclina devant le loup. Elle lui accordait une révérence, montrant là son respect envers la créature.

« Gardien du Sanctuaire... Je suis venue te demander le droit de passer le Portail. » 

Beauty se releva, gardant tout de même la tête baissée. Croiser le regard du loup pourrait être vu comme une provocation.

« Je ne serais pas seule. Mon mari sera avec moi. Il est prince d'Aquitaine. »

Elle se doutait que les titres ne devaient avoir aucune valeur pour le loup. Mais elle se devait de lui déclamer l'identité de l'époux inconnu. Et surtout absent.

Elle qui pensait avoir déjà connu la terreur, avec les menaces et les mauvais traitements de sa belle-fille. Elle qui pensait avoir déjà connu le désespoir en voyant s'en aller le carrosse vers un rêve qu'on ne lui autorisait pas d'accomplir.

Franchement, à côté de ce qu'elle voyait aujourd'hui, ce n'était rien du tout.

Elle n'était plus que frissons d'horreur à la vue de ces monceaux de cadavres, de ce sang qui abreuvait le sol. Mais courageuse, elle avançait. Car celui qui était le responsable de ce carnage... était aussi le possible personnage qui serait acteur de leur sauvetage.

La vie pouvait être sacrément mal foutue des fois.

Elle approchait de la Bête, à laquelle s'adressait déjà une jeune femme blonde. Princesse, à l'entendre parler. Elle-même ne pouvait plus revendiquer ce titre. Mais cela serait-il vraiment nécessaire ?

- Grand Méchant Loup, je suis venue également te demander le droit de rejoindre le Sanctuaire. Je n'ai pour ma part, aucun titre. Je m'appelle Cinderella, et ce seul nom me définit.

Cela pencherait-il dans la balance ? Quoiqu'il en soit, malgré sa peur, Cindy levait avec courage ses yeux bleus vers le gigantesque loup.

D'un bond, le grand méchant loup quitta la noirceur de sa cachette pour tourner autours du duo de jeunes femmes. Traçant un large cercle autours d'elle, il les jaugeait, les flairait tandis qu'elles défendaient leur cause.

" Les titres m'importent peu. Princesse, Reine, paysanne... toutes supplient lorsque je m'apprête à les avaler. "

Bigby s'immobilisa alors, se pourlécha le museau une nouvelle fois avant de faire volte face et de s'enfoncer dans les bois.

" Mais vous faites preuve d'un certain courage, en osant venir me quémander votre salut. Cela, je suis prêt à vous l'accorder. Puisque pour le moment je suis repu... Peut-être puis-je vous guider. Espérez simplement que mon appétit ne s'éveillera pas sur la route... Ou peut-être que si je m'ennuie, il me prendra l'envie de vous croquer. "

Qui étaient-elles pour l'en empêcher, de toutes façons ? Qu'elles courent et il les rattraperait aussitôt pour les briser entre ses mâchoires. Pour le meilleur ou pour le pire, les voilà bien obligées de poursuivre leur chemin avec l'affreuse bête, si elles désiraient rester en vie. Le loup s'était arrêté, à peine passé la lisière de la forêt, pour les scruter d'un œil doré.

" Toi qui te dit princesse, tu as mentionné un époux. Où est-il ? Espère-t-il éviter tout danger en t'envoyant en éclaireur ? "

Sans attendre de réponse, il ouvrit la marche. Ne craignant ni danger ni embuscade, il récupéra le sentier, direction la vallée où se trouvait le Portail du Sanctuaire.

Cinderella. Le nom ne lui évoquait qu'un vague écho, l'histoire d'une paysanne devenue princesse. Si c'était bien elle, elle se montrait alors bien différente de la légende. La présence du loup, les mots qu'il prononça, ramenèrent Beauty au dur présent. Le Gardien acceptait leur présence. Pour un temps.

La princesse emboîta le pas à la gargantuesque créature. Celle-ci lui posa des questions qui la blessèrent au cœur. Le loup cherchait-il à l'éprouver ? Voulait-il trouver une faille, la pousser à commettre une faute ? Il lui fallait être prudente.

« Il ne sait pas que je suis ici. Il m'a défendu de t'approcher. J'ai agi contre sa volonté. »

Car, même princesse, Beauty n'oubliait pas son courage. Ne fuyait pas le danger.

« Tu as du entendre parler de lui. Fut un temps il se nommait la Bête. »

Elle espérait que le nom éveille quelque chose dans le cœur du loup. Et que cela aurait un impact positif.

En attendant ils avançaient au sein des bois, les arbres se refermant autour d'eux. Désireuse de ne pas se laisser submerger par la peur, Beauty se tourna vers sa compagne d'infortune.

« Êtes-vous venue de loin ? Cela a du être dur sans aide, ni escorte. »

S'aidant des bottes de sept lieues, Sophie et Howl firent un long chemin pour arriver à la rencontre de ce soit disant passeur, réputé assoiffé de sang humain. Main dans la main, ils arrivèrent à suivre les indications qu'on leur avait donné et du sort que le magicien avait mis en place. La demoiselle portait alors un gros sac à la main et serrait celle de son cher et tendre de l'autre. Elle se tourna un première fois vers lui :

- Souviens-toi de ça, tu n'as aucun droit de mourir. Sinon ... oh et puis hein...

Elle soupira et se pressa quelques secondes contre lui, totalement secouée par les événements qui s’enchaînaient : cette menace qui planait sur la royaume, la fin de leur vie tranquille. Howl, qui était décidé à ne plus fuir depuis leur dernier affrontement, s'était engagé à combattre l'envahisseur mais avait jugé que Sophie devrait être mise à l'abri. Bien entendu, la demoiselle qui avait retrouvé son apparence originelle n'en avait eu que faire et se serait très bien passé de son avis. Mais elle savait ce qu'il avait en tête : Entre Calcifer, Michael et leurs autres amis, il y avait déjà beaucoup de monde pour lesquels il se souciait sans jamais l'avouer et autant chacun d'eux pouvaient lui être d'une bonne aide dans cette bataille, autant la seule façon dont elle pouvait l'aider c'est de ne pas prendre part à tout cela. Il n'aurait pas à se soucier d'elle outre mesure et elle lui prouvera par la même occasion qu'elle pourrait très bien se débrouiller sans lui.

- C'est vraiment nécessaire, n'est ce pas ?
- Je le crains, ma chère Sophie.

Elle baissa la tête et s'écarta de son contact, presque résignée à cette séparation. Le fait qu'elle risquait de se faire dévorer ou d'arriver dans un monde inconnu ne lui faisait pas encore si peur que cela.
Bientôt, des échanges arrivèrent à leurs oreilles et ils avancèrent, ne se lâchant toujours pas la main.

A quelques pas et quelques buissons plus loin, ils aperçurent deux femmes de belle allure et une énorme bête toute poilue. La jeune fille n'était déjà pas fan de la race canine au départ, mais devoir faire face à un loup de ce genre l'enthousiasmait encore moins. Frissonnant jusqu'aux orteils, elle s'avança pourtant seule, se séparant de Howl.

- Je suis aussi venue passer dans cet autre monde. Et je n'ai pas de temps à perdre. mangez-moi ou laissez-moi passer, mais sachez que je suis une sorcière et que je suis donc indigeste ! Elle se tourna vers les eux jeunes femmes et leur adressa aussi la parole. Ce n'est pas contre vous, mais si on peut s'en sortir comme ça ...

Ayant pour seul compagnon son épée sur laquelle était délicatement attachée une rose rouge fraîchement cueillie, la jeune femme avait traversé l’entièreté de la forêt d'un pas déterminé, sans se retourner une seule fois. Cette immense forêt habitée par des créatures étranges et effrayantes ne réveillait qu'une once de nostalgie dans l'esprit de la jeune femme, puisqu'elle avait passé son enfance à vagabonder dans des lieux semblables avec sa sœur.
Elle chassa rapidement ces pensées de son esprit et se contenta de penser à la situation actuelle des Royaumes, et ce à quoi ils étaient réduits. Elle avait cherché à apporter son aide à quelques habitants, mais n'avait pas longtemps insisté, préférant sauver sa peau plutôt que s'attarder sur quelques êtres ordinaires et sans valeur.

Elle consulta la petite montre qu'elle avait attaché à l'intérieur de sa poche et essaya de compter les heures qui s'étaient écoulées depuis sont départ mais surtout de se souvenir des mots du paysan dont elle avait surpris la conversation qu'elle écouta sans gène. D'après ses calculs, elle n'était pas très loin de sa destination.

Le jeune femme remarqua des taches de sang qui recouvrait le sol ici et là, devinant que la proie s'est certainement débattue mais n'a pas eu la chance de survivre à la rencontre du Grand Méchant Loup.
Allait-elle avoir la chance de le rencontrer?
Allait-il reconnaître en elle l'admiration qu'elle éprouvait à son égard?
Allait-il se rendre compte qu'elle ne présentait aucune crainte quant à cette rencontre?

D'un geste de la main, elle remis ses cheveux fermement derrière son oreille et chassa toutes ces pensées de son esprit par la même occasion.
À quoi bon s'attarder à y réfléchir alors qu'elle aura toutes les réponses dans quelques instants?
Elle continua de suivre le chemin ensanglanté, mais lorsque celui-ci s'arrêta, elle ne trouva rien. Intelligente, elle compris qu'elle arrivait déjà trop tard et que le Grand Méchant Loup avait déjà décampé.
Son instinct lui dicta de continuer son voyage et de s'aventurer plus loin dans la forêt, peut-être qu'elle pourra trouver ce fameux Portail d'elle-même...

Sur sa petite montre, qu'elle avait d'ailleurs "emprunté" du château de sa sœur il y a bien longtemps, l'aiguille avait fait un tour complet et la jeune femme n'avait rien trouvé de neuf qui lui indiquait qu'elle était sur la bonne voie.

Fatiguée de ce long voyage, elle décida de se reposer au pied d'un arbre afin de reprendre son souffle avant de se remettre en route.
Elle n'eut même pas le temps de s'accroupir afin de s'installer qu'elle entendit des bruits de pas et quelques murmures de conversation. Elle se redressa immédiatement et mis sa main sur son épée, mais elle ne se cacha pas. Au contraire elle avança entre les arbres et se retrouva nez à nez avec la bête.
Ceux qui observèrent attentivement la jeune femme auraient reconnu à cet instant un sourire discret de satisfaction se dessiner sur ses lèvres.
Elle retira sa main de son épée mais resta immobile et silencieuse, laissant la choix au Grand Méchant Loup de l'attaquer ou de lui donner le plaisir de faire partie du voyage...

Cinderella avait silencieusement emboîté le pas au loup, accompagnée de Beauty. Une conversation s'installa entre eux deux d'ailleurs, et la femme répondit qu'elle avait désobéi à on mari pour partir à la recherche du salut. Cindy lui jeta un regard en coin. Pour une princesse, elle était plus téméraire qu'elle ne le pensait.

Beauty d'ailleurs lui adressa bientôt la parole.

- J'ai beaucoup voyagé avant de venir ici, alors oui, je suppose que je viens de loin. Et j'ai été habituée à me dépêtrer seule. La vie de princesse ne m'a pas fait oublier la débrouillardise.

Tandis que le trio avançait, ils durent arrêtés par une demoiselle sortie des fourrés, qui se prétendait sorcière et qui n'hésita pas à donner des ordres au loup pour parvenir à ses fins.

- Tu as peut-être raison. Mais si je me fais croquer par ta faute, je te maudirais depuis l'au-delà. fit Cindy avec un demi-sourire.

Mais la petite avait raison. Autant tenter le tout pour le tout, acculées comme elles étaient...

Plus loin encore, une rouquine leur barrait le chemin... l'air étrangement satisfait de se retrouver face au loup.

Cindy secoua doucement la tête. Ils formaient un drôle de petit cortège, là, tous. Ne restait qu'à savoir si elles allaient toutes survivre ou si le Grand Méchant Loup allait succomber à la faim très bientôt...

Le loup menait les princesses à la façon d'un affreux garde du corps. Quoique, ce n'était pas souvent que l'on voyait un garde du corps aussi prompt à dévorer ce qu'il était sensé protéger. Il renifla l'air, un instant immobile, avant de poursuivre son chemin tranquillement. Non, pas d'autres gobelins dans les environs ! Pas qu'ils aient la moindre chance contre lui, mais cela les ralentirait certainement.

" La Bête ? Je ne connais nulle autre Bête que moi-même. À moins que nous nous soyons déjà mesuré lui et moi... Si vous vouliez m'effrayer avec un tel sobriquet, voilà qui est raté ! "

Bien peu de chances, en vérité. Les bêtes, si énormes soient elles, qu'il avait déjà rencontré n'étaient plus de ce monde pour en attester.

Laissant les deux princesses à leurs bavardages, il continua d'avancer à bonne allure. Leur chemin les menait, pour un temps, le long de la route principale. Ne craignant nul être vivant, et encore à quelques lieux du Sanctuaires, le Loup ne s'embarrassait pas de se cacher parmi les fourrés. Et soudain, de nouvelles arrivantes vinrent grossir les rangs de sa compagnie !

L'ego, bien évidemment surdimensionné du loup prit un coup dans l'aile. Qu'étaient ces dames pour le prendre pour un vulgaire passeur ? N'était-il pas, avant tout, le monstre terrifiant tout droit sorti de leurs cauchemars ?

Son avancée, jusque là imperturbable, s'interrompit brusquement. Les demandes de la première (couronnée de ce qu'il prenait pour une provocation) et le sourire de la seconde furent de trop pour le loup, habitué qu'il était à l'horreur que sa nature éveillait chez autrui.

" Me défiez-vous, lorsque vous me proposez de vous manger, sorcière ? J'en ai mangé de plus laids et de moins appétissants que vous ! Et vous, me trouvez-vous si 'gentil' au point de sourire de façon si suffisante ? "

La bête gronda alors et retroussa ses babines... Puis chargea soudainement les nouvelles arrivantes ! Bousculant Rose, il sautait, toutes griffes dehors, sur la sorcière dont la seule erreur avait été de parier sur la compassion d'un Grand Méchant Loup...

Pas de chance pour la pauvre sorcière qui succomba à la faim et la riposte d'un monstre de légendes.

Et quoi qu'elle en dise, Bigby la trouva délicieuse. Bien meilleure, en tout cas, que les gobelins à la solde de l'ennemi.

Note MJ:

Répondant d'un demi sourire à celui de la femme qui lui avait répondu, Sophie, resta plantée là, attendant la réponse du loup avec appréhension. Howl avait disparu au moment où elle lui avait lâché la main pour retourner à ses sortilèges. Elle aurait tout de même bien voulu échanger un dernier baiser avant qu'ils ne soient séparés pour une durée indéterminée.

La bête n'avait pas encore répondu qu'une autre silhouette féminine fit son apparition juste devant le dit monstre poilu. Toute cette agitation ne sembla en aucun cas plaire à celui-ci. Son regard se fit plus sauvage et ses babines se soulevèrent.

" Me défiez-vous, lorsque vous me proposez de vous manger, sorcière ? J'en ai mangé de plus laids et de moins appétissants que vous ! Et vous, me trouvez-vous si 'gentil' au point de sourire de façon si suffisante ? "

Au ton qu'il employait, il ne paraissait vraiment, mais vraiment pas content. Sophie frissonna des pieds à la tête mais décida de garder la tête haute. C'était pas une proposition, mais si tu le prends comme ça, oublies-moi hein... pensa-t-elle.
Mais hélas, il était trop tard, la bête sanguinaire qu'il était ne supporta pas autant de manque de respect envers son rang. D'un élancement, le loup bondit et envoya voltiger la dernière demoiselle ! Mais il ne s'arrêta pas là... Au grand malheur de Sophie, il plongea aussitôt à sa rencontre et lui planta ses griffes acérées dans les épaules.
Elle n'eut guère le temps de souffrir, mais la terreur qu'elle ressentit en le voyant sauter à sa rencontre, gueule ouverte, aurait pu avoir raison de son coeur. Les yeux exorbités, elle sentit les pointes s'enfoncer dans sa peau et ses dents luisantes lui arracher les entrailles.

A moitié dévorée par la bête, les yeux toujours ouverts en une expression d'horreur, voici la fin de Sophie Hatter.

« Oh mon dieu... »

Beauty étouffa la suite de son cri, plaquant ses mains contre sa bouche. La princesse détourna le regard, mais ses yeux avaient déjà bien vu assez. Elle avait eu le temps de voir le corps tressauter entre les crocs de la bête, et le sang jaillir. Des éclaboussures tâchaient la pointe de ses souliers, rappelant toute la cruauté de la scène à Beauty.

Les injures se bousculaient dans sa gorge, mais la jeune femme serra les dents à s'en briser les mâchoires. Elle devait tenir, coûte que coûte. Pour elle, pour le reste de la troupe... Pour son époux qui la croyait en sécurité. Mais elle devait avouer qu'elle aurait aimé sentir sa présence.

La princesse inspira longuement, et se retourna pour continuer la route. Elle tourna tout de même la tête du côté opposé au cadavre, de crainte de faillir.

« Pour une sorcière, elle manquait cruellement de ressources. »

Au moins, tous pouvaient voir que la magie n'avait aucune emprise sur le Grand Méchant Loup.

Le sourire de la jeune rousse disparut à la seconde où le Grand Loup Garou pris la parole. Elle compris qu'elle et les autres jeunes femmes avaient sous-estimé le tempérament de celui-ci et avaient pris un risque énorme en le provoquant.

Ses paroles menaçantes ne réveillèrent pas assez vite les réflexes de la jeune femme qui se fit bousculer par l'énorme bête. Elle fut propulsée contre le sol sans avoir eu le temps de se rendre compte de ce qui était entrain de se produire. À peine avait-elle eu le temps de se relever, oubliant quelques instants la douleur de sa chute, que le Grand Méchant Loup la surpris par ses grognements effrayants.
Elle fit quelques pas en arrière et mis la main sur son épée, prête à l'utiliser s'il le fallait. Mais elle ne fut pas assez rapide puisqu'elle assista à la décapitation la plus sanglante de la jeune sorcière qui avait eu le culot de vanter ses pouvoirs, qui avaient été clairement inutiles.

Rose Red se sentait légèrement coupable, dégoûtée par tout ce sang qui maculait le sol et une partie de leurs vêtements, et sûrement légèrement effrayée, même si elle ne se l'avouera jamais.
Elle ne pris pas le risque de sortir son épée, au lieu de cela elle leva les bras pour montrer au Grand Méchant Loup qu'elle ne tenterai rien, et pris la parole pour la première fois depuis des heures. De sa voix froide qui ne laissait rien paraître de ses sentiments, elle prononça ces quelques paroles:
«Je me permet de prendre la parole et de parler au nom de ces jeunes femmes, nous ne voulons en aucun cas vous importuner, Grand Méchant Loup. Nous savons toutes qui vous êtes, et maintenant de quoi vous êtes capable. Mais puis-je vous rappeler la raison de notre "visite"? Nous ne sommes là que pour survivre à un ennemi commun qui détruit nos Royaumes...»
Malgré son admiration pour le Grand Méchant Loup, Rose Red avait décidé de ne rien laisser paraître de cela et d'être raisonnable en utilisant son intelligence pour essayer de s'en sortir et s'assurer qu'elles arrivent toutes à destination...vivantes.

Peter n'avait pas le choix.
Bigby Wolf était devenu symbole de dernier recours, d'ultime espoir, de salut. Il avait vu les populations, les contes, les êtres, concéder à abandonner leurs foyers chauds et intimes pour rejoindre les foules terribles, morbides, dans lesquelles il redoutait de se mêler. Il avait attendu jusqu'au dernier moment.

Au terme de ce moment, qu'il avait épuisé comme une source maigre dont il ne reste qu'un souvenir aride, il s'était résolu. Les larmes de rage accrochés à ses cils. Il avait suivi sa princesse favorite, celle dont le récit ne le lassait jamais. Cinderella.

Et le voilà qui, planqué dans les hauteurs d'une branche, lorgnait, attendait, enveloppé d'ombre et de silence. Il vit les femmes, car sans qu'il sût pourquoi elles étaient en nombre, se débattre à coup de mots et de supplications. Pour le persuader. Il vibra sous la puissance de la voix du loup. Il vit l'une d'elle tomber.
Un cri s'échappa de ses lèvres blêmes. Son corps d'oisillon tangua, enfonçant ses ongles noirs dans l'écorce. Il voulut s'envoler. Et ses yeux s'agrandir d'horreur en constatant que le sol l'appelait. Pour la première fois depuis si longtemps.

Le corps de Peter Pan tomba, dans un petit florilège de feuilles, celles de son habit, qui s'évadèrent sous la violence de sa chute.
Il se releva prestement, assommé, contrit et contrarié. Jamais l'attraction terrestre n'avait paru si vorace. Il croisa le regard du Loup, plus loin. Il déglutit.

Sans réfléchir, il s'élança à toutes jambes en direction de Cinderella. Elle était comme sur les pages des livres, comme décrite par les bouches des mères. Il s'empara de son bras et, sans même la regarder, fixe et raide comme un morceau de bois, il s'y agrippa.

« On a besoin. »

La phrase ne voulait rien dire.
Encore moins pour lui qui n'avait jamais besoin de rien, n'est-ce pas ?
Il disait : "On a besoin de toi, saleté de loup à la gueule plus grosse que moi."
Il disait tout ça, et c'est peut-être pour ça qu'en fait, il ne le dit pas.

Cinderella ferma les yeux et détourna la tête, dégoûtée, en voyant le spectacle du Grand Méchant Loup dévorant la petite brunette aux cheveux nattés. Le bruit de la chair déchirée, l'odeur du sang qui s'étalait sur les feuilles mortes à leurs pieds... le bruit des os qui craquaient était le pire cependant. La blonde eut un frisson le long de son échine. Voilà ce qui les attendait si elles énervaient trop le loup !

- On devrait se remettre en route avant que des gobelins n'arrivent.

Elle n'eut aucun regard sur le reste de la dépouille de Sophie. Après tout ce qui était fait était fait, et rien ne ferait revenir Sophie. Le groupe se remit alors en route, non sans avoir été rejoint par un garçon roux qui ne semblait pas savoir bien parler... une sorte de petit sauvageon quoi. Raffermissant sa prise sur son manteau déchirés par les ronces, Cindy avança sans faillir, ne gardant que deux objectifs : survivre, et passer le portail pour rejoindre le Sanctuaire.

" On a besoin, on a besoin... Oui mais de quoi ? As-tu perdu ta langue, enfant ? "

Bigby pourlécha son museau teinté de rouge, encore ivre du meurtre qu'il venait de commettre. Il n'accorda pourtant pas plus d'importance au garçonnet et continua sa route. Il menait encore sa petite troupe jusqu'à devoir s'enfoncer dans la forêt qui bordait la route.

" D'ici, il faudra nous faire discret. Je ne tiens pas à ce que les troupes impériales connaissent mon petit secret... "

Les rumeurs avaient beau aller bon train, jamais personne n'avait pu localiser le portail. Rusé, Bigby prenait toujours soin de prendre un chemin différent et se fiait à son odorat pour retrouver la bonne direction. Il avançait rapidement, veillant de temps à autre à ce qu'on le suive toujours et, soudain, il se figea. Dans cette région de la forêt, une odeur pestilentielle s'élevait des sols, piquant les sinus du Grand Méchant Loup qui fit volte face, le poil hérissé et les crocs à découverts. Un savant mélange de soufre et d'autres matériaux odorants avait été disséminé dans la terre même de la forêt, frotté jusque sur l'écorce des arbres !

" Qui ose ainsi berner mon odorat ? Sortez, je sais que vous êtes là ! "

Il ne s'attendait pas, par contre, à ce qu'un si grand nombre de gobelins affluent d'entre les arbres pour entourer leur groupe. Il fallait pourtant s'y attendre : avec les rumeurs sur ce passeur, les légions ennemies s'étaient décidées à l'arrêter coûte que coûte ! ... Voir même le plier à leur autorité, pourquoi pas.

Un bien mauvais calcul : Les odeurs montèrent à la tête de Bigby, si bien qu'il salivait et claquait des dents à la simple vue de ses ennemis. Pas sûr que dans cet état, il différencie les alliés de ses adversaires ! Mais comment bloquer les odeurs plus radicalement qu'en se gorgeant de sang ?

D'un long hurlement lupin, Bigby chargea et trancha une première poignée de soldats, se retournant aussitôt pour en croquer un autre qui le piquait du bout de sa lance. Un autre, encore, trouva la mort sous ses terribles griffes et malheureusement, il n'était pas dans l'état de réaliser qu'il menait, désormais, une attaque envers Cinderella...

Les gobelins, immondes créatures. Beauty fronça le nez à leur vue. Elle savait combien ces créatures pouvaient se révéler dangereuses. Dépourvue d'armes, la princesse s'arma d'un bâton qu'elle jugea assez solide. Ce n'était pas une arme digne de ce nom, mais Beauty n'allait pas se laisser tuer si facilement.

La jeune femme hurla pour se donner du courage, et fonça vers ceux qui échappaient au carnage du loup. La princesse frappait à l'aveugle, espérant faire reculer les gobelins. Son esprit était vide, ne restait qu'une conviction : survivre. Le bâton finit par se briser, la laissant aux mains des créatures.

Le sang macula son champ de vision. Tournant les yeux vers l'éclat écarlate, Beauty vit le cadavre de Cinderella, mutilé par les crocs du Grand Méchant Loup. Oubliant toute prudence, la princesse se rua auprès du corps, espérant éviter l'inévitable. Mais à quelques pas, ses pieds baignant dans le sang, Beauty dut se rendre à l'évidence. Cinderella n'était plus.

La colère fit bouillir le sang, la poussant à hurler sur le loup.

« Qu'avez-vous commis ? C'était votre alliée ! »

Ce n'est qu'après avoir prononcé ces paroles que Beauty se rendit compte de son erreur. Bien trop tard.

Note MJ:

Un hurlement inhumain franchit la bouche béante de Beauty.

Le sang giclait de son membre tranché, son bras reposait parmi les cadavres. La princesse se laissa tomber à terre, rampant sur les fesses pour s'éloigner du carnage. La Fable tint son moignon contre elle, hoquetant de douleur.

Jamais elle n'avait cru devoir tant souffrir.

Que restait-il de leur troupe ? Un enfant perdu, une kitsune, et une princesse amputée de son bras. Et le Grand Méchant Loup, le museau et les babines couvertes de sang. Les paroles qu'il lâcha dans l'air, Beauty voulait y croire. Elle n'avait pas tenu jusqu'ici pour abandonner maintenant.

Le visage pâle, la princesse se remit debout, titubant jusqu'au loup. Elle posa sa main sur son dos imposant.

« Allons-y rapidement alors. Mais puis-je vous demander de m'aider à marcher ? Je ne tiendrais pas sinon... »

L'orgueil princier avait disparu. Ne restait qu'une femme terrorisée, voulant que le cauchemar cesse.

Spoiler:

Les quelques rares survivants de son groupe rassemblés, Bigby prit le temps d'étirer chacun de ses muscles avant de reprendre sa route. Le bras tranché aurait eu de bonnes rasons d'exciter son appétit, s'il n'était pour l'heure pas déjà rempli de carcasses. Kumiho eut, toutefois, la bonne idée de tenir Beauty éloignée de leur terrible gardien.

" Pas d'inquiétude, maintenant que je vous ai goûté, je peux au moins attester que vous ne faites pas partie des troupes ennemies. Au moins vous targuerez vous d'avoir survécu à une rencontre avec le Grand Méchant Loup..."

... De plus, Bigby avait bien d'autres cibles en tête.

Quelle formidable bête que cette Kumiho. De la même grandeur que la sienne, elle respirait la puissance.

Pas autant que lui, jamais autant que lui.
Mais tout de même...

Tout à ses réflexions, il laissait son odorat retrouvé les guider. Bientôt, c'est un dédale de pierre, sillonnant entre deux montagnes, qui accueillit le quatuor... Et tout au bout, l'arche scintillante, immense, qui les mènerait vers d'autres mondes plus accueillants.

C'est ici que Bigby s'arrêta.

" Comme promis, c'est ici que je vous ai mené. Allez donc, le sanctuaire vous attend, mais avant ceci... "

Son regard plein d'orgueil se porta sur la Renarde tandis qu'il se léchait les babines.

" J'ai, longtemps, fait le vœu qu'il ne s'écoulerait pas une journée sans que je dévore plus gros et fort, afin de devenir le monstre le plus grand et le plus puissant de ces mondes ! ... Ta soumission ne me trompe pas, tu fais partie des monstres formidables, toi aussi. C'est bien pour cela que je fais solennellement la promesse de te dévorer ! "

Elle et l'enfant silencieux ! Un casse-croûte qu'il ne négligeait pas... Même s'il était, à tout les coups, tout juste bon à se coincer entre deux crocs. Oubliant la princesse qui eut, dès lors, toutes les chances de fuir... Il rejoignit l'immense renarde d'un bond formidable. Mâchoires grandes ouvertes et griffes déployées, il comptait bien gagner cette lutte... Et ne pas leur laisser une chance de s'échapper !

Ainsi s'achevèrent les mésaventures des survivants. Rescapés miraculeux ou repas improvisés, ils apprirent en tout cas qu'il n'est jamais judicieux de se fier à plus grand et plus méchant qu'eux.

Note MJ: